Lectures : | Genèse 17, 1–8 Romains 4, 13–18 Jean 8, 39–42 |
Chers Amis,
Nous avons entendu le récit de la promesse faite à Abraham il y a très longtemps.
Nous avons entendu l'apôtre Paul demander comment nous nous relions à cet héritage, si nous le considérons comme une sorte de droits acquis (selon la loi), ou si nous ne nous y rattachons par la foi.
Nous avons assisté à la dispute de Jésus avec ces juifs, qui l’avaient suivi dans un premier temps, et qui maintenant étaient déçus, parce que Jésus ne répondait pas à leur attente nationaliste alors que sur d’autres points il allait beaucoup plus loin, à leurs yeux beaucoup trop loin!
Ils avaient vu en lui un sauveur de leur peuple, eux les descendants d'Abraham. Maintenant ils voyaient en lui une menace et ils cherchaient à se débarrasser de lui.
Descendant d'Abraham… Mais comment cette question résonne-t-elle à notre époque? En quoi est-ce important dans une culture où le passé est tout au plus décoratif, où tout est centré sur le présent et l'avenir immédiat !
Si je vous demande qui vous êtes, par quoi me répondrez-vous d'abord ?
Par où vous êtes nés ? Par votre métier ? Par votre situation familiale ?
Par les enfants que vous avez ou que vous n'avez pas ?
Peut-être par votre appartenance confessionnelle…
Mais là il faut bien dire que vous êtes un public particulier, trié sur le volet !
Vous avez affirmé une identité par la simple décision d'être venus ici ce matin !
D'autres, au même moment, ont affirmé une identité différente. Ceux qui se sont rendus au fitness ont dit quelque chose d'une identité où le corps, son apparence, son bien-être jouent un rôle central.
Ceux qui sont allés faire une activité en famille ont dit quelque chose d'une identité qui se définit par ce noyau familial, en général petit.
Même ceux qui sont restés au lit disent quelque chose !
Peut-être qu'ils parlent d'une identité où le travail est tellement au centre qu'il faut ce moment de récupération, que ça en devient une question de survie.
Peut-être aussi qu'ils parlent d'une identité où tout se joue le samedi soir, où il faut aller fêter, s'éclater, avec comme objectif principal le plaisir immédiat, mais parfois aussi le rêve d'enfin une vraie rencontre…
Bref, être descendant d'Abraham ou pas ne semble plus être au cœur l’identité des gens d’aujourd’hui, ni le lien avec un quelconque ancêtre, religieux ou pas.
Seulement voilà, d'être ainsi de plus en plus coupé de notre passé aussi bien lointain que proche n'est pas sans conséquences.
Car c'est très vite que l'on appartient soi-même au passé.
Et notre société tend à oublier non seulement ses ancêtres morts, mais aussi ceux qui sont encore en vie ! Elle glisse vers un jeunisme qui valorise la créativité et la nouveauté aux dépens de l'expérience et de la stabilité. Une société où l'on jette les téléphones quand ils ont plus de deux ans, où l'on jette les professionnels quand ils ont plus de 40 ans, et où l'on jettera bientôt les vieux, parce qu'ils coûtent trop cher !
Nous le sentons bien, il y a de la violence dans cette posture idéologique qui devient dominante dans notre société, et où tout ce qui n'est pas jeune ou nouveau ne mérite pas de vraie considération.
Jésus s'est disputé avec ceux qui voulaient le jeter après usage, et la dispute portait précisément sur cette question de l'héritage, du lien avec l'origine, avec Abraham.
«Si vous êtes enfants d'Abraham, faites donc les œuvres d'Abraham! Or vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue auprès de Dieu. Cela, Abraham ne l'a pas fait!»
En disant cela, Jésus met à jour le mécanisme d'exclusion donc il est lui-même victime, le même mécanisme qui conduit aujourd'hui à l'exclusion de tout ce qui n'est pas nouveau.
Et surtout, il met à jour la contradiction de ses adversaires, qui les conduit à la fois à se réclamer d'Abraham et à en rejeter la démarche.
On voit aujourd'hui la même contradiction : on se réclame des figures du passé (Guillaume Tell !), mais on en rejette le vrai combat. On nous les sert conditionnées sous atmosphère protégée, comme tous ces produits libellés «à l'ancienne», «à la façon de grand-mère». On fait semblant de se réclamer du passé, mais c’est pour vendre des produits ou des idées d’aujourd’hui !
- Oh ce pasteur, comme il est passéiste !
Chers amis, soyons passéistes, car c'est un faux reproche !
N'acceptons pas la dictature de la superficialité et des idées prêtes à jeter !
Soyons passéistes en se réclamant avec fierté du courage de ceux qui ont cru avant nous ! Soyons passéistes, c'est-à-dire enracinés dans une histoire !
Soyons passéistes en nous réclamant d'Abraham, lui qui n'a pas eu peur de partir de chez lui, à l'appel de son dieu, lui qui a renoncé aux fausses sécurités à cause d'une promesse en laquelle il a cru !
Soyons passéistes avec toutes celles et tous ceux qui ont reconnu cette promesse, avec toutes celles et ceux qui croient, à la manière d'Abraham.
Avec toutes celles et ceux qui voient en Abraham leur père, non pas en fonction d'un droit établi, mais selon la foi partagée, une foi qui transcende les frontières et les barrières culturelles.
Avec les Juifs, qui reconnaissent en Abraham le père de tous les croyants.
Avec les musulmans, qui se rattachent aussi à ce père.
Soyons passéistes avec l'apôtre Paul, dont la pensée reste incroyablement libératrice, et pour tout dire, moderne !
Soyons passéistes avec Jésus-Christ, qui a dénoncé les mécanismes de l'exclusion mais qui a accepté sa propre exclusion, sa propre mise à mort, pour nous ouvrir le chemin de l'espoir.
Soyons passéistes en comprenant que sa résurrection hier est notre vie aujourd'hui !
Soyons passéistes avec tous ceux qui croient en la valeur de chaque individu, qu'il soit jeune ou qu'il soit âgé !
Soyons passéistes enfin avec tous ceux qui s'engagent pour leur prochain et qui le servent, notamment dans le cadre de l'Église.
Avec celles et ceux qui s'engagent dans la paroisse française pour la faire vivre !
Une génération qui refuse son passé
se coupe aussi de la promesse de Dieu !
Ne laissons pas cela arriver !
Amen
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