Qu'êtes vous allés voir dans le désert? |
Qu'êtes vous allés voir dans le désert? |
Lectures : | Matthieu 11,7-10.16-19 |
Prédication dialoguée du 21 septembre 2014 10h
Chers Amis,
Jésus harangue les
foules, entre deux pôles :
« Qu'est-ce que vous êtes allés voir ? »
« Et qu'est-ce que vous en avez dit ? »
« Qu'est-ce que vous êtes allés voir ? »
« Et qu'est-ce que vous en avez dit ? »
Et l’on voit bien,
dans ce que les gens en ont dit, qu'ils sont passés à côté de
l'essentiel : Ils ont vu un Jean-Baptiste qui ne mange presque
pas, et l'on traité de fou.
Ils ont vu un Jésus qui mange et boit, et l'on traité de glouton.
Ils ont vu un Jésus qui mange et boit, et l'on traité de glouton.
Ils ont vu sans
voir, et ils parlent de ce qu’ils ne connaissent pas !
Jésus les critique
pour cette sorte de superficialité, ce passage trop rapide du «
voir » au « dire ».
Il les critique
surtout pour leur façon de rester en dehors du jeu, d'être des
spectateurs passifs, de bouder aussi bien la joie que la tristesse.
Il les critique
d'être des « blasés », des gens qui pensent avoir tout
compris !
Ce sont pourtant des
hommes et des femmes qui ont fait une démarche !
Ils se sont mis en route, ils sont allés voir Jean-Baptiste dans le désert !
Ils se sont mis en route, ils sont allés voir Jean-Baptiste dans le désert !
Et ces gens sont
maintenant là, en train d'écouter Jésus ! Ils sont aussi venus !
C'est déjà pas mal !
C'est déjà pas mal !
Mais Jésus demande
: « Qu'est-ce que
vous êtes venus voir ? »
On ne se met pas en route
sans une certaine idée de ce qu'on va voir. Est-ce que vous allez au
cinéma sans savoir quelque chose sur le film qui est à l'affiche ?
Si des foules vont
voir un prophète dans le désert, c'est qu'elles s'attendent à
entendre une parole forte ! Justement pas un « roseau agité
par le vent », mais du « tout solide » !
Je pense à la
chanson de Boris Vian : « On n'est
pas venu pour se faire engueuler, on est venu essayer l’auréole !
»Quand on va voir un prophète, on
s'attend précisément à se « faire engueuler » ! On s'attend à
entendre ce prophète critiquer notre façon de vivre et de
consommer. On s'attend à le voir donner l'exemple, sûrement pas en
portant de beaux habits, plutôt des peaux de bête…
Alors, pourquoi
rester extérieurs ? Pourquoi se poser en spectateurs, en juges, en
arbitres ?
« Qu’est-ce que
vous êtes venus voir ?», demande Jésus. Êtes-vous venu à
cause des autres, parce que c'est la mode ? Est-ce que c'est aussi la
mode de rester extérieurs, de ne pas s'impliquer ?
Une curiosité
de voir de nouvelles choses, doublée d'un solide
blindage d'idées préconçues : cela
me fait beaucoup penser à notre société, qui est encore plus
centrée sur l'image, sur le spectacle, sur l'immédiateté : voir,
juger, et passer à autre chose.
Par les journaux,
par la télévision, par Internet, par les réseaux sociaux, à la
maison, en déplacement, au travail, partout et sans cesse on peut
aller voir quelque chose,
et on est poussé à le faire.
Qu'êtes-vous allés
voir ? La question de Jésus nous touche aussi ! Qu'êtes-vous allés
voir sur Internet ? Qu’êtes-vous allés voir dans le journal ?
Quand on allait voir
un prophète dans le désert, c'était au vu et au su de tous ! Quand
on renifle sur Internet, c'est dans un secret qui libère notre
curiosité, pour ne pas dire notre voyeurisme. « Qu’êtes vous
allés voir ? » Parfois il vaudrait mieux qu'on ne nous pose
pas la question…
Il est vrai qu'on
peut aujourd'hui « aller voir » tout et son contraire. Mais la
liberté est toute relative. On est quand même guidé vers certains
types de contenu. La publicité est partout. On nous suggère ce
qu'il faut aller voir. L'industrie du tourisme nous vend des
destinations, comme si elles étaient des produits.
En son temps,
Jean-Baptiste se serait sûrement bien vendu : « vivez une
expérience à la rencontre de vos limites, dans le désert, y
compris voyage à dos de dromadaire, une nuitée sous tente, goûtez
du miel sauvage et des sauterelles grillées, et en prime exclusive :
rencontre avec un prophète ! Le tout à un prix forfaitaire,
sacrifié ! »
En matière
religieuse, hier comme aujourd'hui, ce qui se vend bien, c'est ce qui
est un peu exotique ou alors ce qui a un parfum subversif :
« Les vérités qu'on nous a toujours cachées » !
En revanche ce qui se vend
mal, c'est ce qui est bien de chez nous. Pourquoi ? Parce qu'on croit
déjà tout savoir ! Parce qu'on pense avoir vu et revu la culture
chrétienne.
Je suis surpris de
voir avec quelle assurance les ennemis de la religion pensent tout
savoir à son sujet, alors que souvent, ils mélangent tout, qu'ils
mettent tout dans le même panier. A les entendre, la religion serait
la cause de tous les maux ! Mais c'est quoi « la religion »
? Quelque chose que l'on pouvait comprendre du dehors ?
Jésus reproche à
la foule de venir vers lui comme elle est allée vers Jean-Baptiste :
avec la curiosité du voyeur en quête de sensations, mais en ne se
mouillant surtout pas, en restant à
l'écart, comme quand on lit un journal gratuit ou qu'on regarde une
vidéo sur Internet !
Une foule de gens
qui ne s'impliquent personnellement que pour prononcer des jugements
superficiels, répétant ce que d'autres ont dit avant eux.
L’ermite
Jean-Baptiste : c'est un fou !
Jésus le Galiléen
: c'est un glouton !
Jugements à
l'emporte-pièce sur la base d'un seul aspect : ce que l'un et
l'autre mangent ou ne mangent pas !
Bien à l'image de
nos « j’aime » ou « j'aime pas » sur les réseaux sociaux ! Des
coups de cœur, sans aucun recul.
La vie, comme un
spectacle : je vois, je dis, et je ne fais rien ! Plus je vois, moins
je fais ! Je commente, je juge, mais ce ne sont que des mots…
Des mots qui
creusent des fossés. Des mots qui polarisent. Des mots, par lesquels
certains deviennent des ennemis pour nous, et nous des ennemis pour
eux !
Des mots qui
insidieusement créent une logique de confrontation. Des mots qui
préparent à une violence déléguée à d’autres, mais une
violence bien réelle, qui fait déjà des milliers de morts.
- Ces derniers mois, on a vu apparaître une mouvance islamiste dont personne n'avait parlé jusque-là.
Aujourd'hui déjà, chez nous, tout le monde répète : « ISIS ce sont des fous ! » - Ces derniers mois, on a vu une révolution et des mouvements de troupes en Ukraine, et déjà chez nous tout le monde répète : « Poutine, c'est un glouton, il veut avaler l'Ukraine ».
C'est oublier qu’en
même temps, en Irak et en Syrie, certains nous
présentent nous comme des fous et des ennemis de Dieu.
C'est oublier qu’en
même temps en Russie, en Crimée, à l’Est de l'Ukraine, certains
nous présentent nous comme des gloutons, qui cherchent à inclure
l'Ukraine dans notre sphère d'influence.
Et nous, nous nous
laissons manipuler ! Qu'êtes-vous allés voir dans le désert ? Ce
qu'on nous a montré ! Ces derniers jours, des effarantes vidéos,
dont le but était précisément de nous polariser, de nous dresser
les uns contre les autres ! « Regardez comme nous sommes
méchants ! Attaquez-nous, si vous osez ! »
Un essai d’exploiter
notre propre manière de simplifier, de juger. Nous nous laissons
gagner par l’idée que seule la violence peut stopper l’extrémisme
religieux ou nationaliste, alors qu’elle va au contraire
l’encourager. Ne nous laissons pas pousser à renoncer à nos
propres valeurs : l’ouverture, le dialogue ! Et
commençons ce dialogue ici même, par exemple avec les musulmans de
notre pays, ou avec les russes.
Avec force, Jésus
critique les jugements trop hâtifs, trop extérieurs, qui poussent à
la violence.
Non, Jean-Baptiste n'est
pas un fou !
Non, Jésus n'est pas un
glouton est un ivrogne !
Non, on ne peut pas
faire l'impasse sur ce qu'ils disent ! Non, on ne peut pas ignorer ce
qu'ils font ! Non, les tuer n’est pas une solution, même si c’est
ce qui est arrivé aussi bien à Jean-Baptiste qu’à Jésus !
Jésus nous dit que
la Sagesse se reconnaît à ses œuvres, que la justice se vérifie
dans l'engagement concret.
Qu'est-ce à dire pour
nous ?
Qu'il ne faut pas
seulement regarder Jean-Baptiste et Jésus, mais qu'il faut aller à
la rencontre de leur manière de penser et de vivre.
Jean-Baptiste nous a
appelé à revenir à l'essentiel, à changer de regard sur le monde,
à attendre le Règne qui vient. Écoutons-le !
Jésus-Christ a
ouvert le chemin vers ce Règne où nous serons les fils et les
filles d’un même Père, où nous mangerons à sa table avec toutes
celles et tous ceux que, depuis toujours, il a aimés.
Préparons là,
cette table ! Plutôt que de dresser des barrières, intéressons-nous
à celles et ceux à qui mangeront avec nous à cette table ! Ouvrons
nos cœurs, ouvrons nos bras, marchons à la rencontre du monde qui
vient !
Amen
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