Comme des flammes de feu Vitrail de fra Costantino Ruggeri (1925-2007) Photo O.Schopfer |
Comme des flammes de feu Vitrail de fra Costantino Ruggeri (1925-2007) Photo O.Schopfer |
Lectures: | Actes 2,1-3 Interlude : Olivier Messiaen - Les langues de feu Actes 2,4-12 Interlude : Olivier Messiaen - Le don de la Sagesse Actes 2,13-18 Interlude : Improvisation par Antonio García |
Chers Amis,
Chaque mardi matin,
l'équipe des professionnels de la paroisse se réunit pour méditer
et pour travailler ensemble. Mardi dernier, Maria Gafner notre diacre
disait que, de toutes les fêtes de l'année chrétienne, Pentecôte
était celle qu'elle préférait, parce que c'est une fête simple et
joyeuse. Une fête que l'on peut simplement célébrer, sans avoir
grand chose à expliquer.
Je suis d'accord
avec elle. Quand on pense devoir expliquer ce qu'est le Saint-Esprit,
c'est qu'on est plus très sûr qu'il respire vraiment dans notre
communauté !
Le Saint-Esprit ne
s'explique pas : il se célèbre ! Il est la source de notre chant,
il inspire nos mots, notre musique, il est ce qui nous tient
ensemble, nous ici dans cette église, mais aussi tous les autres de
par le monde qui sont animés par lui, parfois sans le savoir.
Antonio García
vient de jouer deux pièces de Messiaen, l'une sur les
langues de feu, l'autre sur le don
de la Sagesse, toutes deux tirées de
sa messe de Pentecôte. Antonio nous a aussi joué une improvisation
de son cru.
La musique non plus
n'explique pas le Saint-Esprit : elle le célèbre !
Et c'est aussi ce
que fait le récit de Pentecôte. Un récit enjoué et amusant,
presque burlesque, même s'il s'inscrit dans une situation tendue :
en pleine ville de Jérusalem, cinquante jours après les événements
qui ont conduit à la mort de Jésus. De nouveau une grande fête. De
nouveau des foules rassemblées, les mêmes qui criaient alors :
« Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
Et voici que
survient cet événement spectaculaire est insaisissable…
Curieusement, la foule semble ne remarquer ni les flammes ni le vent.
Attirée par la rumeur elle se rassemble, et ce qui étonne les gens,
c'est de comprendre ce qui est dit,
de l'entendre chacun dans sa propre langue.
Est-il possible que
quelque chose de religieux me parle?!
La religion n'est-elle pas un monde hermétique et mystérieux?
Ne s'agit-il pas seulement de faire ce qu'il faut pour que les puissances célestes ne me soient pas hostiles ? Comment on me dit parfois : « Pour mettre toutes les chances de notre côté » ?
La religion n'est-elle pas un monde hermétique et mystérieux?
Ne s'agit-il pas seulement de faire ce qu'il faut pour que les puissances célestes ne me soient pas hostiles ? Comment on me dit parfois : « Pour mettre toutes les chances de notre côté » ?
C'est bien plus
qu'une question de langue maternelle : ce qui étonne les gens, c'est
d'être rejoints personnellement. C'est qu'il n'y ait plus de
séparation entre la langue du religieux, avec tous ses spécialistes,
et la langue du quotidien, celle de Monsieur et Madame Tout-le-monde.
Mais entendre
annoncer les merveilles de Dieu dans notre langue, entendre parler
d'un dieu proche, intime, est-ce vraiment ce que nous voulons ? Les
gens sont perplexes. Ce n'est pas comme ça qu'ils se sont imaginé
Dieu jusque-là. Ils sont venus en pèlerinage à Jérusalem pour
voir le Temple, pour accomplir les rituels, pour s'approcher du
saint-lieu, mais pas trop ! La proximité immédiate, ils la laissent
aux grands-prêtres !
Encore aujourd'hui
beaucoup de gens sont mal à l’aise à l'idée de cette présence
qui se propose à nous dans l’Esprit saint.
Certains préfèrent
le Dieu lointain, majestueux, auquel on accède par des rites. Ils
préfèrent déléguer à un clergé la mission de gérer les
affaires sacrées… Parmi ces gens, certains se sentent plus à
l’aise dans l'Église catholique, ou les Églises orthodoxes.
D'autres se tiennent en dehors de toute Église, mais sont quand même
contents qu'elles existent !
D'autres au
contraire se précipitent sur le côté personnel de la relation avec
Dieu à travers son Esprit-Saint. Ils ne voient plus que cela. Les
uns en dehors de toute Église : croyant à leur façon, chacun pour
soi, ils finissent par être dans une grande solitude spirituelle.
Les autres dans des Églises charismatiques ou pentecôtistes, où
chacun est effectivement prophète et inspiré, avec le risque que
personne n'écoute personne, et que le pouvoir soit pris par ceux qui
prétendent détenir la vérité.
Non, l'événement
de Pentecôte ne laisse personne indifférent ! Encore aujourd’hui !
Pourtant, il faut
voir comment, dans le récit de
Pentecôte, cet événement se
développe. À l'enthousiasme des uns et la perplexité des autres,
Pierre va en effet répondre au nom des Douze apôtres.
L’événement qui
vient de se produire, avec quoi va-t-il le mettre en relation ?
Il va le mettre en
relation avec d'une part la tradition biblique (en se référant au
prophète Joël) et d'autre part à la Passion du Christ et sa
résurrection, qui sont des événements encore tout frais !
Il va faire ce que
nous faisons aussi ici même : créer un dialogue entre l'Écriture
biblique comme source de notre inspiration et la communauté
rassemblée, le tout à la lumière de la Passion et de la
résurrection du Christ.
Nous retrouvons dans ce
dialogue :
– Le fondement
biblique, qui est la foi en Dieu le créateur, que Jésus appelle le Père.
– Le tournant qui
se produit en Jésus-Christ, le Fils,
à travers sa mort et sa résurrection.
– Le fait que le
tout nous est rendu compréhensible par la puissance de l'Esprit.
Ces trois aspects,
ces trois temps de la Trinité, donnent à l'Esprit sa juste place:
dans l’histoire du salut, c'est en dernier qu'il nous est donné au
jour de Pentecôte, même si nous savons aussi qu’il était là dès
le commencement du monde.
C'est ce que
Jean-Sébastien Bach exprime à sa manière dans la pièce que nous
allons entendre dans un instant, des variations sur la musique du
choral «Komm, Gott Schöpfer, heiliger
Geist» «Esprit
Saint, esprit créateur».
On commence par
entendre un rythme à trois temps, qui fait penser aux trois temps de
la Trinité. Mais vous remarquerez que c’est un rythme qui semble
boiter sur le troisième temps, jusqu'au moment où quelque chose
change, comme si le Saint-Esprit de Pentecôte venait souffler en
vent continu, pour achever à la fois la Création et notre manière
de comprendre Dieu comme Père, Fils et Saint-Esprit.
Célébrons donc cet
Esprit-Saint, et qu’à l’image du souffle de l’orgue, il
respire en nous et dans notre communauté !
Amen
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