Palais fédéral © Flickr |
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Chers amis,
« Méfiez-vous des faux
prophètes ! »
Jérémie, lui-même
prophète, dit cela aux gens de son temps.
Plus tard, dans son sermon sur
la montagne, Jésus adresse le même avertissement aux
foules venues l'écouter.
Et ce message nous arrive ce
matin, comme s’il nous était adressé à
nous. Et en même temps, il nous
embarrasse, parce que nous sentons bien que nous sommes dans un temps
différent.
D'abord il n'y a plus de
prophètes. Ou si peu… Plus de prophètes comme
ils ont pu exister au temps de Jérémie, où ils
avaient une fonction officiellement reconnue.
À cette époque, les
prophètes faisaient en quelque sorte partie de l'appareil
étatique. Ils avaient leur place dans la cour du royaume de
Juda.
On attendait de qu'ils parlent
au nom de Dieu, mais pas dans l'abstrait, pas dans la théorie
: on attendait d’eux qu'ils disent la Parole de Dieu sur
l'actualité, sur la société, sur la politique,
sur la justice, sur les relations avec les autres royaumes !
Les prophètes n’avaient
aucune autorité décisionnelle. Mais on leur
reconnaissait une autorité morale.
Ça ne veut pas dire que
l'on faisait ce qu'ils disaient. Mais on leur donnait le droit de
s'exprimer, et ils le faisaient, visiblement pas tous de la même
manière, et visiblement souvent en désaccord les uns
avec les autres.
Voici donc Jérémie,
qui traite ses collègues de faux prophètes…
Vous me direz : « De
quel droit ? Qu'est-ce qui rend sa parole plus autorisée
que celle d'un autre ? »
Parole contre parole, à qui
faut-il donner raison ? !
Bien sûr, après coup,
c'est plus facile.
Par exemple, Jérémie
dénonçait les fausses alliances et les compromissions
de ceux qui répétaient : « Tout va très
bien ! ».
(À l’époque on ne connaissait pas encore Madame la Marquise)
(À l’époque on ne connaissait pas encore Madame la Marquise)
Jérémie sentait
venir une menace, et il la reliait non seulement aux volontés
belliqueuses des royaumes voisins, mais surtout au comportement de
la cour royale elle-même, à la façon dont elle
reniait ses valeurs et sa foi en Dieu.
L'avenir lui a donné
raison, et c'est pour cela qu'on s'est souvenu de lui, alors qu'on a
oublié les prophètes qui ne disaient que ce qui faisait
plaisir aux gens.
C'est pour cela que les prophéties de Jérémie sont dans la Bible, aux côtés de celles d'autres prophètes comme Esaïe, Osée ou Amos, eux aussi très critiques de la royauté et de l'État. Sans oublier Elie…
C'est pour cela que les prophéties de Jérémie sont dans la Bible, aux côtés de celles d'autres prophètes comme Esaïe, Osée ou Amos, eux aussi très critiques de la royauté et de l'État. Sans oublier Elie…
Comme quoi la politique
spectacle n'est pas une invention
moderne !
D'ailleurs justement : la semaine
dernière j'ai trouvé une grosse enveloppe dans ma boîte
aux lettres…
La plupart d'entre vous aussi,
j'imagine…
Une enveloppe avec le matériel
de vote pour les élections fédérales. Avec un
extraordinaire choix, tant au niveau du nombre de listes (avec
chacune son slogan-choc) que du nombre de candidats, connus ou
inconnus !
Vous me direz : « Les
politiciens ne sont pas des prophètes. Leur fonction n'est pas
religieuse, ils se gardent bien de parler au nom de Dieu ! »
Bien sûr.
Mais, exactement comme les
prophètes, ils se prononcent sur l'actualité, sur la
société, sur l'éthique, sur les relations avec
les pays voisins (aujourd'hui, tous les pays sont nos voisins !). Ils
le font en fonction de leurs convictions,
du moins c'est ce qu'il faut espérer ! Car ils doivent capter
l'attention, être écoutés, créer des
adeptes, des gens qui voteront pour eux !
Il y a d'ailleurs un paradoxe
dans le fait que les politiciens attendent des Églises
qu'elles ne fassent pas de prosélytisme, surtout pas avec le
soutien de l'État, alors qu’eux-mêmes sont
entièrement voués au prosélytisme, et attendent
du même État qu'il leur fournisse une plate-forme pour
se faire connaître !
Les partis politiques ont
en commun avec les communautés
religieuses (paroisses, Églises) d'être des communautés
regroupés autour d'un système de croyances et de
représentations.
Mais ce n'est pas tout ce qui
les unit ! Les partis ont aussi leurs rituels, leur liturgie (si
j’ose dire), leurs chantres et leurs prédicateurs. Ils
cultivent aussi des valeurs comme l'engagement personnel et le
sentiment d'appartenance.
Et puis, ils ont aussi leurs
autorités, leur hiérarchie plus ou moins démocratique…
sans parler de leur financement, plus ou moins transparent…
Mais alors, qu'est-ce
qui les différencie des Églises
et autres communautés religieuses ?
À l'époque de
Jérémie ou à celle de Jésus, rien ne les
différenciait. Les prophètes et leurs adeptes jouaient
le rôle de groupes de pression, un rôle qui a été
repris aujourd'hui par les partis.
L'idée d'une séparation
entre le pouvoir politique et le monde religieux est moderne, il faut
le rappeler. À l'origine de cette séparation, il
s'agissait de protéger les États démocratiques
naissants, devant d'autres formes de pouvoir comme celui des classes
privilégiées, ou celui des Églises, comprises
comme structures transnationales…
Plus tard, on a développé
l'idée, de plus en plus présente aujourd'hui, que la
croyance religieuse représentait un danger
pour la société. En
oubliant que tout système de pensée comporte ses
dangers… En tournant les religions en boucs émissaires,
alors qu’aucune institution humaine n’est à l’abri
des dérives.
* * *
« Méfiez-vous des
faux prophètes. »
Cet avertissement qui parcourt
toute la Bible, garde aujourd’hui sa portée non
seulement dans l'Église, mais aussi dans la société.
Et c'est aussi à nous
que Jérémie dit : « Méfiez-vous des
paroles qui ne sont dites que pour plaire à leur public.
Méfiez-vous des promesses d'avenir radieux. Mais méfiez-vous
aussi des discours catastrophistes. Méfiez-vous des
simplifications. »
En bref : « Méfiez-vous des discours populistes, quelle que soit leur orientation politique ! »
En bref : « Méfiez-vous des discours populistes, quelle que soit leur orientation politique ! »
Mais alors, qui faut-il croire ? Qui
faut-il suivre ? Pour qui faut-il voter ?
Jérémie ne donne pas la
réponse, bien sûr.
Jésus non plus, même
s'il nous dit que c'est à leurs fruits qu'on reconnaît
les vrais prophètes, ce qui est déjà une
indication importante !
Mais tous les deux nous
renvoient à notre propre
responsabilité. Ils nous
invitent à renoncer à l'idée que c'est simple et
facile. Non, le discernement, c'est compliqué !
Mais s’en désintéresser parce que c'est compliqué, est pire encore !
Mais s’en désintéresser parce que c'est compliqué, est pire encore !
La responsabilité
du discernement nous appartient, une
valeur chère aux protestants!
Pour le dire positivement :
sachons reconnaître ce qui est prometteur, ce qui est
constructif, ce qui est porteur du même espoir que celui qui
habitait les vrais prophètes d'autrefois !
Des vrais prophètes, il
y en a encore !
Amen
Olivier
Schopfer
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