Le prologue de Jean nous montre un Dieu qui prend un risque inouï, celui de ne pas
être compris, de ne pas être accueilli. Un Dieu qui, dès le
commencement, par principe,
ne veut pas s'imposer. Un Dieu qui met en avant la liberté
de sa créature.
Un Dieu qui prend part à
l'histoire des humains, dans tout ce qu'elle a de tragique,
encore et encore. "Et la Parole s'est faite chair".
Prédication du 24 décembre 2015, Berne
Lectures: | Luc 2,1-14 Jean 1,1-14 |
Thème : Vous avez dit, clash des civilisations?
Chers Amis,
Après les attentats du
11 septembre 2001 on avait beaucoup parlé du clash des
civilisations, et l’on voulait dire par là, la collision
d'une soi-disant culture occidentale, qui se veut humaniste et
démocratique, avec la culture des «autres» dont on
sous-entend qu'elle serait absolutiste, opposée aux valeurs
individuelles, bref méchante et mauvaise.
Des expressions comme «l'axe
du mal» ont souligné cette idée d'une humanité
coupée en deux.
Or nous voici confrontés
à des événements beaucoup plus proches, et la
tentation est grande de reprendre les mêmes schémas,
même si les bons et les méchants ne sont plus tout à
fait les mêmes.
Sauf qu'il y a une grosse différence
entre les États-Unis et notre réalité
européenne.
Aux États-Unis, la
pratique religieuse chrétienne était et est encore très
fortement liée à la manière de vivre des gens,
c'est l'american way of life,
avec ses multiples églises qui occupent une grande place dans
le quotidien des gens.
Dans ce contexte, il était
possible de parler de la culture américaine comme d’un
tout, même s'il fallait pour cela «oublier» les
minorités appartenant à d'autres religions, ou à
aucune…
Les attentats de Paris, déjà
celui de février, ont montré un clash des cultures à
l'intérieur de nos sociétés,
un conflit de valeurs et de manière de comprendre notre monde.
Nous assistons en particulier à
la montée en puissance d'une idéologie anti-religion,
qui voit dans toute conviction labellisé «religieuse»
un danger, voir la source de tous les maux.
En réalité, ce
n'est pas nouveau, et les chrétiens hésitent déjà
depuis longtemps à trop se profiler, à se montrer trop
religieux, de peur de déplaire à ces adeptes toujours
plus nombreux d’un laïcisme militant.
D’ailleurs les laïcistes
se manifestent particulièrement à Noël, quand ils
partent à la chasse aux symboles chrétiens dans
l’espace public !
* * *
Au commencement était
la Parole, dit l'Évangile de
Jean.
Au commencement, pas seulement
dans l'échelle du temps.
À la base, au fondement, se trouve la Parole.
À la base, au fondement, se trouve la Parole.
Quelle parole ? Pas les mots humains.
La Parole en tant qu'intention.
La Parole en tant que projet.
Au commencement était le
projet de Dieu, et Dieu était tout entier dans son projet.
Il était, et il l’est encore, sauf qu'entre-temps ce projet a pris réalité face à Dieu.
Ce projet est devenu une histoire, et nous faisons partie de cette histoire.
Il était, et il l’est encore, sauf qu'entre-temps ce projet a pris réalité face à Dieu.
Ce projet est devenu une histoire, et nous faisons partie de cette histoire.
Déjà là,
certains nous arrêteront: «Vous ne croyez quand même
pas sérieusement à ces bêtises d'un autre temps!»
Osons-nous dire: «Si,
nous y croyons?! » Bien sûr pas au pépé barbu
sur son nuage, mais au Dieu-projet, oui!
Osons-nous leur dire que l'idée
d'un monde vide, dans lequel chaque être humain aurait mission
de chercher son accomplissement personnel et où les seuls
principes qui s'appliquent seraient la sélection naturelle et
les lois du marché, que cette idée n'a pas plus de
fondement que la foi, et surtout que cette idée porte en elle
les germes du totalitarisme, de l'exclusion, de la violence?!
Car la violence n'est pas seulement
chez les autres.
Nous avons raison d'être
fiers de l'État de droit qui règne chez nous.
Mais nous ne devons jamais le considérer comme un acquis.
Mais nous ne devons jamais le considérer comme un acquis.
Et surtout, nous ne devons
jamais oublier combien notre monde occidental est violent envers ceux
qui en sont exclus.
Des millions de gens nous
regardent vivre depuis leurs bidonvilles et rêvent de ce monde
qu’ils découvrent dans les séries télévisées.
Là où nous
n'avons qu'à montrer patte blanche pour voyager partout,
d'autres sont systématiquement refoulés, ils ne
rencontrent que barbelés, montagnes, déserts, mers
quasiment infranchissables.
La barbarie n'est pas seulement chez
les autres. La nôtre s'exporte, elle se vit par procuration.
Elle s'appelle exclusion, spoliation, exploitation.
Au commencement était la
Parole, au commencement était le projet de Dieu pour le monde.
C'est ce que nous voulons oser dire à ceux qui affirment
plutôt qu'au commencement, il n'y avait rien du tout, et que
dans ce monde, c’est chacun pour soi!
Un projet de Dieu pour le
monde, dans lequel chaque créature compte et chaque être
humain est également important.
* * *
Au commencement était la
Parole, nombreux sont ceux qui le pensent.
Seulement voilà.
Certains voient cette Parole comme une sorte de principe absolu,
intouchable. Ils voient en Dieu seulement l'unicité et la
toute-puissance.
Et ils pensent que la société
devrait refléter cette autorité absolue de Dieu sur
toute chose.
Nous pensons bien sûr
tout de suite au fanatisme de certains islamistes, ceux qui inspirent
les actions terroristes dont on ne parle que trop. Bien sûr que
ce fanatisme repose sur une lecture simplifiée du Coran, qui
ne rend pas justice à la richesse de la spiritualité
musulmane.
Mais nous ne devons pas oublier
nos propres fondamentalismes chrétiens, que l'on trouve
d'ailleurs dans toutes les confessions, aussi bien celles issues de
la Réforme (qui comprend les églises protestantes et
luthériennes, mais aussi les églises évangéliques
et pentecôtistes) que les églises catholiques
orthodoxes.
Un fondamentalisme qui consiste
en gros, à lire les premières phrases du prologue de
Jean, et à oublier la suite.
Le Dieu puissant, créateur
et normatif, on veut bien!
Et on veut bien d’une église à son image, et d’une société pareille!
Et on veut bien d’une église à son image, et d’une société pareille!
Mais le Dieu qui se mêle
à l'histoire des humains, on préfère le laisser
de côté!
* * *
La lumière brille
dans les ténèbres et les ténèbres ne
l’ont point comprise.
Cette phrase est extraordinaire
! Elle montre un Dieu qui prend un risque inouï, celui de ne pas
être compris, de ne pas être accueilli.
Un Dieu qui, dès le
commencement, par principe,
ne veut pas s'imposer.
Un Dieu qui met en avant la liberté de sa créature.
Un Dieu qui met en avant la liberté de sa créature.
Un Dieu qui prend part à
l'histoire des humains,
dans tout ce qu'elle a de tragique, encore et encore.
dans tout ce qu'elle a de tragique, encore et encore.
Un Dieu qui, à moment
précis de l'histoire humaine, au temps où Quirinius
était gouverneur de Syrie, nous dit l'Évangile de Luc,
a franchi l'infranchissable ligne, celle que nous voulions
infranchissable, entre le monde céleste et notre réalité.
Un Dieu qui va pouvoir comme
nous souffrir, un Dieu qui va pouvoir comme nous mourir, un Dieu qui
l’a voulu comme ça.
Un Dieu qui veut prendre sur
lui la face absurde, la face écœurante, la face honteuse
de notre propre condition. Et qui va le faire, parce qu'il est Dieu!
Et qui va habiter même le plus abject de ce que nous pouvons
être, pour que même là, un rayon de lumière
brille!
C'est ce mystère que
nous célébrons cette nuit!
Et en le célébrant,
nous voulons dire «non» à un monde vide, vide de
sens.
En le célébrant,
nous voulons aussi dire «non» à l'idée d'un
Dieu monstrueux, qui justifierait le mal et l'abus de pouvoir.
Mais surtout, nous voulons dire
«oui» à ce projet de Dieu, qui ne cesse de nous
émerveiller:
Et la parole s'est faite
chair et elle a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire,
cette gloire, que Fils unique plein de grâce et de vérité, elle tient du Père.
cette gloire, que Fils unique plein de grâce et de vérité, elle tient du Père.
Amen
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